Quand les avocats apparaissent au menu scolaire
Le nombre de recours judiciaires des parents d'élève est tel que la plupart des pédagogues souscrivent désormais une assurance surnommée «assurance torgnole» dans les salles de profs. Proposée par la Fédération des autonomes de solidarité (FAS, qui traite 3 000 dossiers par an), elle garantit leur défense et règle les indemnités que les enseignants pourraient être condamnés à verser.
Hormis les accusations de pédophilie – qui se multiplient également –, «Il y a très nettement aujourd'hui une volonté de montrer du doigt et de punir», dénonce André Maurin.
Certains et de plus en plus de recours semblent parfois farfelus : ils concernent aussi bien la suppression de la sieste de l'écolier un jour par semaine que le triplement d'un lycéen.
Disputes entre élèves, trafic de bonbons, menus à la cantine, insultes, pratiques religieuses : prompts à s'exonérer de leur responsabilité, les parents dénoncent à tout-va aux procureurs. Quitte à aller à l'encontre du bon sens et, souvent, pour tenter de récupérer de l'argent.
Récemment, certains d'entre eux se sont plaints auprès du Conseil français du culte musulman que des contrôles scolaires aient été fixés hier, jour de la grande fête de l'Aïd el-Kebir.
Début décembre, deux mères de famille de Seine-et-Marne ont porté plainte contre une enseignante pour propos racistes : celle-ci avait réagi après une dispute entre trois élèves de CE 2 et CM 1, où deux fillettes d'origine maghrébine avaient insulté une de leurs camarades, la traitant de «blanc-bec». En retour, l'institutrice avait rétorqué : «Vous, les bronzées de service, vous n'avez pas le droit de l'insulter.»
Certains vont jusqu'à contester les notes de leurs enfants. Pour juguler les dérives, les tribunaux administratifs de Marseille et de Versailles ont récemment jugé irrecevables les recours contre les «mesures préparatoires» – telles une note ou une appréciation –, ne jugeant recevables que les plaintes contre les «décisions finales» – comme le redoublement ou l'admission à un examen.
La présence d'avocats en robe, assistant un élève en conseil de discipline, s'est aujourd'hui banalisée, selon les chefs d'établissement, qui oscillent entre le rire et l'agacement. Pour un joint fumé dans les toilettes d'un lycée du XVIe à Paris, une avocate avait réussi à faire «acquitter» son client devant l'instance disciplinaire.
«Porter plainte parce que le petit dernier s'est foulé la cheville à la récréation est absurde. Ce réflexe américaniste est problématique, dénonce de son côté Georges Dupon-Lahitte, président de la FCPE, principale fédération de parents d'élève. Il conduit à des situations ubuesques où les parents sont à leur tour poursuivis par les enseignants pour procédure abusive.»