Liberation : la presidentielle bien vue
Clips clips clips, hourra
Par Raphaël GARRIGOS, Isabelle ROBERTS
Ringards, les spots officiels ? Ben oui, ontologiquement ringards. Tournés en une journée avec les équipes fournies par l'Etat, montés à la va-vite. Même alimentés pour moitié par des images filmées par les candidats, ça ne passe pas. Ils sont tout pourris. Le son est approximatif Gérard Schivardi, la voix couverte par le trafic place de la République , la mise en scène grotesque Frédéric Nihous planté comme un piquet en costume cravate au milieu d'un champ , le maquillage outré les lèvres Rouge Baiser de François Bayrou , les effets spéciaux à faire pleurer quel cochon a dessiné cette planète en danger chez Dominique Voynet ?
Bien sûr, il y a la balourdise démago des réalisations. Chez Nicolas Sarkozy, les mots «respect», «solidarité» qui jaillissent du fond de l'écran et sautent à la gueule. Chez Ségolène Royal, c'est soirée diapos jusqu'à plus soif : Royal signant des autographes, Royal avec les chtits nenfants, Royal et Mitterrand...
Bien sûr, il y le détail obsédant qui trouble le message : cette photo d'un homme en chemise bleue derrière Arlette Laguiller (on jurerait Dominique Strauss-Kahn mais on a comme un doute, lire ci-contre), ce livre posé derrière Philippe de Villiers ( Rivière d'Etel, lit-on sur la tranche), la petite mouette à droite de Sarkozy (et qui se barre à tire-d'aile sitôt le spot terminé, pas folle la mouette).
Bien sûr, il y a le terrible jeu d'acteur des tribuns à l'air faussement dégagé. Nihous en son champ : «Vous le savez, ruralité, ça rime avec quartier !» (oui, Fred, et aussi avec «ukulélé»et «trou de nez»). Sarkozy dans une maison de retraite : «Si vous saviez comme j'aurais envie de jouer aux cartes avec vous.» (Comment arrive-t-il à faire encore plus peur quand il sourit que quand il kärcherise à tout va ?) Besancenot au bord d'un canal : «C'est connu, le facteur sonne toujours deux fois» (celle-là, franchement, Olivier...).
Bien sûr, ainsi que le disait un JT de la nuit, lundi, le spot officiel, c'est de la propagande. Pensez donc, pas de contradicteur pour renvoyer le candidat dans ses cordes. Personne pour rétorquer à Sarkozy et son «école du respect»: «Vous voulez parler de l'école Rampal à Belleville, M. Sarkozy ?» Personne pour reprendre de volée Villiers et son ignominieuse «charte républicaine pour la construction des mosquées avec des conditions draconiennes» . Et ne comptez pas sur les intervieweurs à la solde des candidats : Jean-Saint-Josse pour Nihous ou Karl Zéro pour Bové (au fait, Karl, c'est dégueu de se servir de Bové pour revenir à la télé). Des passe-plats, des porte-micros, bouh, les vilains !
Sauf que, vous avez entendu quelque chose de nouveau, vous, dans les spots officiels ? Quelque chose que les candidats n'ont pas déjà dit ? Une énormité qu'un incisif journaliste n'aurait jamais laissé passer ? Non, rien de rien. «L'école du respect», Sarkozy l'a déjà servie à tous ses interlocuteurs, de PPDA à Arlette Chabot. Idem, Villiers et ses mosquées. On croyait que les spots officiels de propagande avaient démarré lundi, on avait tort : ils durent depuis toujours.